Du vol à l’image

J’ai toujours eu une faim d’images que rien n’apaise.

Je crois que la meilleure façon de s’approprier une œuvre d’art c’est de s’approcher au plus près. On est enfin seul et l’air de rien, hop, on plonge dans l’image. C’est pourquoi aux grands formats je préfère les miniatures et les œuvres peu convoitées.

La singularité de l’artiste, son avant-gardisme-à-soi (avant-gardisme vrai, anti « kitch ») m’augmente, augmente ma compassion pour moi-même et pour le monde, sorte de bagage culturel.

Mais avant tout ça, dans l’approche lente et silencieuse, parcimonieuse même (une sorte d’économie du plaisir), soudain quelque chose surgit et s’interpose. Je tire.

J’ai pris au piège cet instant intime, une sorte de grâce de la grâce. (Qui est de s’oublier soi-même écrit Bernanos.) Ne pourrait-t-on confirmer, image à l’appui, que le spectateur a sa part de création ?

J’ai maintenant devant moi une nouvelle image. Envisageons que quelqu’un saisisse la grâce de cette nouvelle image ; imaginons la chose se répéter ; voyez l’abime ! Ne pourrait-on alors affirmer que nos œuvres ne sont que des préliminaires à une vaste entreprise ?

Voilà, à peu-près, ce qu’une journée de grand ménage et de tri m’a donné d’interrogations. Et me voilà avec une collection d’images. Et je suis insatiable.

(Tirage : Sten Lena)

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